Ayant lu deux des précédents livres d’Amélie Nothomb – Stupeur et Tremblements et Métaphysique des tubes – je ne m’attendais pas à un livre normal. Je n’ai pas été déçu. Son écriture reste aussi distinctive et excentrique que les chapeaux colorés qu’elle porte souvent pour les interviews.
L’histoire s’ouvre sur un jeune homme menacé d’exécution. L’auteur fait un parallèle avec Dostoïevski qui me rappelle immédiatement ma lecture adolescente de L’Idiot. Le prince Myshkin, rentrant en Russie en train, décrit une exécution qu’il a récemment vue. Sa description est vivante et puissante et si j’avais des doutes sur la peine de mort, je n’en avais plus. J’ai appris plus tard que Dostoïevski risquait à un moment donné d’être lui-même exécuté. Pas étonnant que le passage de L’Idiot ait laissé une telle impression sur mon jeune moi.
En commençant à lire Premier Sang, rien n’indique si la vie du jeune homme sera perdue ou sauvée. Nous apprenons plus tard qu’il s’agissait de Patrick, le père de l’auteur, diplomate et l’un des 1600 otages blancs saisis par les rebelles Simba à Stanleyville en République démocratique du Congo en 1964.
Premier Sang est une courte histoire de Patrick Nothomb décédé au début de la pandémie de Covid. Le père de Patrick, grand-père paternel de l’auteur, a été tué dans un accident de mine terrestre alors que Patrick était encore bébé. Surmontée par le chagrin, la mère de Patrick a laissé son éducation à ses parents, Amélie’s grands-parents maternels.
L’auteur a décrit comment son père était une personnalité plus grand que la vie qui pouvait charmer tous ceux qu’il a rencontrés au cours de son travail de diplomate. Pourtant il s’est gardé quand il était en famille, parlant peu. N’ayant pas eu lui-même de vrais modèles de parents, il ne savait pas comment montrer son affection à ses enfants.
Dès l’âge de 6 ans, Patrick passe des vacances à Pont d’Oye chez les Nothombs car son grand-père (maternel) pense qu’il a besoin de s’endurcir. Pont d’Oye est un château dans les Ardennes. D’innombrables autres enfants vivaient dans le château, mal nourris et en chiffons. Dès l’âge de 7 ans, il prenait le train seul pour visiter le château. Ils mangeaient très peu bien qu’il y ait souvent de la rhubarbe.. Grand-Péri déclara : « La rhubarbe est le rafraîchissement de l’âme ». Parmi les enfants du Pont d’Oye, c’était la loi de la jungle.
Dans des interviews, l’auteur a expliqué que le mode de vie sauvage à Pont d’Oye était absolument vrai
Lorsque Patrick est devenu adolescent, il est devenu clair que il avait un problème avec le sang. La simple vue de sang le ferait s’évanouir.
A l’Université, son ami Henry était amoureux de Françoise. Patrick propose d’écrire des lettres d’amour à Françoise au nom d’Henry. Lorsque Patrick a rendu visite à Françoise pour plaider la cause d’Henry, il a rencontré sa sœur Daniele. Elle avoue que c’est elle qui a répondu aux lettres d’Henry au nom de sa sœur. Lorsque Patrick a avoué d’être l’auteur des lettres d’Henry, ils ont ri et sont devenus amis, puis amoureux, puis marié.
Il s’agit d’un petit livre sur 4 à 5 parties de la vie de Patrick Nothomb. La dernière partie du livre revient au début avec le jeune homme face au peloton d’exécution en pleine crise des otages de 1964 en Afrique. L’irrationalité, la terreur et l’imprévisibilité des rebelles reflètent à certains égards la vie antérieure de Patrick à l’âge de 6 ans au château de son grand-père.
Patrick lui-même a écrit sur sa vie. Interrogée sur ce qu’elle pensait de l’autobiographie de son père, Amélie Nothomb a répondu avec diplomatie que l’écriture n’était pas son métier. Il y avait trop de détails factuels et pas assez sur les peurs et les sentiments. Mais l’écriture est le métier de sa fille qui a écrit une belle, tendre et drôle histoire d’amour pour son père.