lundi, 7 novembre 2022
Il s’agit avant tout d’un livre sur la question de l’identité, avec laquelle se débattent de nombreux adolescents, mais pas plus que les enfants d’immigrés.
Pour moi, ce livre a été un défi à lire, avec son utilisation d’argot, de métaphores, de double-entendres, d’insinuations et des mots d’origine maghrébine. Quand il songeait à écrire Ma Part de Gaulois, il voulait écrire quelque chose que les gens de sa banlieue pourraient lire. Quelque chose qu’ils voudraient lire. Ce qui a bien sûr compliqué la tâche de ceux d’entre nous qui n’étaient pas de ce quartier et pour qui le français n’est pas la première langue.
En lisant Ma Part de Gaulois, j’ai écouté le livre audio – lu par l’auteur lui-même. Je pouvais rarement parcourir plus de quelques paragraphes avant de m’arrêter pour essayer de comprendre ce qui se disait. Mais j’ai fini par apprécier la voix unique de Magyd.
Magyd est né en 1962 et a grandi dans la banlieue nord de Toulouse, à environ cinq kilomètres du centre. En 1985, il a participé à la création du groupe Zebda. En arabe, zébra signifie beurre. Beur est l’argot français pour les nord-africains. Auteur de poèmes depuis son plus jeune âge, il a écrit tous les mots de leurs chansons souvent très politiques.
J’aime qu’il soit situé à Toulouse, une ville que je connais bien et que j’aime beaucoup. Au fil des ans, j’y ai passé plusieurs mois et j’y suis retourné aussi récemment qu’en septembre. Mais en fait, je ne connais pas la partie où se trouve le livre – la rue Raphaël est à environ cinq kilomètres au nord du centre, de la place du capitole.
Le livre, raconté par l’auteur, est autobiographique, et ses deux amis, Samir et Mono, sont rarement loin de lui. Le thème central est les problèmes de grandir dans les deux cultures différentes – française et algérienne. Aimer l’école et la langue française, aimer lire, a fait de lui un traître, un pédé.
“Salut les pédés! Tu cherches quoi avec tous ces mots que t’apprends ?
Et ça, c’est quoi ? Montre!
Il m’a arraché le livre des mains, a lu:
Une vie . . .de Mau . . passant, c’est un pédé lui aussi !
Mais non, c’est pas un pédé
C’est quoi alors ?
Un écrivain
C’est ça, c’est un pédé ”
Si les problèmes d’adaptation à deux cultures différentes étaient durs pour les garçons du quartier, ils étaient bien pires pour les filles, qui étaient souvent quasiment emprisonnées chez elles. Son amie Bija se retrouve à l’hôpital, violemment agressée par son père et son frère pour avoir simplement lu un livre.
Il était donc difficile de ne pas avoir une relation amour-haine avec les deux cultures.
Néanmoins, il était fier d’être le Hugo de son quartier et ne pouvait nier qu’il aimait Flaubert et Zola.
Le livre se déroule au début des années 1980 alors que Mitterrand est sur le point de devenir président. Parmi beaucoup d’entre eux, il y avait de grands espoirs de changement culturel. Et de grandes peurs car c’était Mitterrand. Le même Mitterrand était ministre de l’Intérieur pendant la guerre d’Algérie 1954-7 et a confirmé la peine de mort pour des dizaines de rebelles algériens du FLN et la torture pour beaucoup d’autres. J’ai été choqué d’apprendre cela. Ironiquement, l’un de ses premiers actes en tant que président a été d’abolir la peine de mort. Et alors son père a dit « Miterrand va gagner? On fait la valise ! »
Personne de son Quartier n’a réussi à passer le Bac. La plupart arrêtent de lire à l’âge de 10 ou 11 ans. J’ai trouvé cela difficile à croire. Pendant que j’y pensais, je me suis soudainement rappelé mes propres années d’école. Personne n’a obtenu les ‘A’ levels. Personne non plus n’est jamais allé à l’université de mon école de 1200 au début des années 1960.
Le livre est un récit romancé de sa vie jusqu’à l’âge de 18 ans et le passage du Bac.et les problèmes d’identités conflictuelles. Lorsqu’on lui a demandé si cela conduisait à une certaine schizophrénie, il a répondu oui, “mais je suis un cool schizophrène”. C’est-à-dire qu’alors qu’il voulait être Flaubert à 18 ans, les deux cultures ont en fait contribué à le définir, et il s’en est enrichi.
Même si j’ai trouvé ce livre difficile à lire, j’ai trouvé qu’il en valait la peine. A la question de savoir si beaucoup de choses ont changé depuis 40 ans, cet article de France-Inter suggère que la réponse est non.