lundi, 1 février 2021
Un livre remarquable. D’autant plus qu’il s’agit d’un premier roman. Différent et inhabituel mais en même temps puissant et perspicace. Grand frere est l’histoire de deux frères qui sont assez différents l’un de l’autre et qui suivent leurs chemins différents tout en restant fermement engagés l’un envers l’autre.
En racontant l’histoire des deux frères, l’auteur nous emmène dans les banlieues de Paris et nous montre la vie quotidienne d’une famille qui y vit. Le père est athée de Syrie et la mère est catholique de Bretagne.
La majeure partie du livre est racontée par Grand Frère qui travaille comme chauffeur Uber. Cela le met en désaccord avec son père qui conduit un taxi conventionnel. Grand Frère porte l’uniforme du ‘bendo’ – “pantalon de costume noir, chemise blanche, coupe courte sur les cotés.” Les heures derrière le pare-brise dans le monde de travailleurs uberisés donnent à Grand Frere grands temps pour réfléchir.
Les frères racontent leurs propres chapitres, chacun ayant sa voix à la première personne.
Petit Frère est infirmier, travaillant dans un hôpital lorsque nous le rencontrons pour la première fois. Agité et toujours curieux, il décide qu’il veut faire plus pour aider les autres, en Syrie, le pays de la famille de son père. Il tente de rejoindre Medicine Sans Frontier mais ils se retiraient d’une grande partie de la Syrie après avoir été attaqués. Enfin, il a été recruté par une autre ONG. La bas, la pénurie de personnel médical l’oblige à assumer progressivement le rôle de médecin lui-même, et il y a une description vivante de sa première césarienne.
Une grande partie de l’écriture plonge dans leurs histoires personnelles et décrit des épisodes importants de leur vie, comme la mort dramatique de leur mère. Mais il y a aussi place pour une tournure inattendue vers la fin du livre.
Inévitablement, le petit frere se rapproche des djihadistes qu’il doit si souvent soigner. Le lecteur commence à spéculer sur la motivation exacte du jeune frère lorsqu’il est en Syrie. Reste-t-il seulement quelqu’un qui souhaite s’occuper des blessés? Petite Frère est facilement influencé par ceux qui l’entourent. En Syrie, il glisse progressivement pour devenir djihadiste. De retour en France, en retrouvant son frère, il a des doutes sur le chemin qu’il suit .. Je pense que Mahir Guven montre intelligemment avec quelle facilité les personnes sensibles tombent dans l’abîme.
Le style d’écriture de l’auteur est fascinant. Il fait un grand usage de l’argot français, des mots de l’arabe et de l’usage parisien du verlan. Fait intéressant, c’est le grand-frère qui utilise le discours de rue, tandis que son frère plus instruit parle le français normal.
Un bel exemple de la puissance de la littérature de fournir une grande compréhension de certaines des questions contemporaines les plus complexes. Mahir Guven nous emmène dans le monde fascinant de la banlieue parisienne, nous montre la pauvreté et l’injustice que tant de personnes doivent subir et nous donne un aperçu de l’esprit de ceux qui sont tentés de devenir des terroristes.